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La sécurité des enfants en ligne : défis et stratégies mondiaux

28 Septembre 2021

Défis en matière d’application des lois et de protection des enfants

    S’ils revêtent une importance fondamentale, la législation et les engagements politiques ne suffisent pas à apporter le changement s’ils ne s’accompagnent pas de mécanismes qui en assurent la mise en œuvre et l’application, ainsi que de services destinés à fournir aux victimes le soutien nécessaire. Les services chargés de l’application des lois, quant à eux, assument la responsabilité de veiller à ce que les lois soient appliquées avec cohérence et efficacité et à ce que les délinquants soient poursuivis et rendent des comptes. Ils jouent donc un rôle capital en s’attaquant à l’exploitation et aux abus sexuels d’enfants dans les environnements en ligne/hors ligne fusionnés. Aux organismes de protection sociale, il incombe de promouvoir et de protéger l’intérêt supérieur des enfants victimes d’abus. Cependant, ces deux finalités peuvent parfois entrer en conflit. L’enjeu consiste à explorer des approches à la fois efficaces pour mettre en œuvre les poursuites tout en assurant que les intérêts individuels des enfants concernés restent la priorité absolue.

    L’environnement en ligne du XXIe siècle a transformé la criminalité de plusieurs manières : en tant que mode de communication révolutionnaire, il a créé un espace transnational offrant de nouvelles possibilités d’activités répréhensibles. De plus, la nature virtuelle de l’environnement en ligne permet parfois à l’activité criminelle d’échapper à la compétence du système de justice pénale87. La prévention du crime ne peut plus se contenter d’opérer une surveillance et de mener l’enquête au sein de la collectivité proche : elle doit traverser les frontières locales, nationales et internationales. Il peut s’avérer difficile de désigner les tribunaux compétents pour juger d’un crime commis dans l’environnement virtuel. Ajoutons que certains crimes portent parfois préjudice à plusieurs victimes se trouvant dans différents pays, ce qui complique singulièrement les procédures de protection des enfants. Les crimes liés aux abus et à l’exploitation sexuels commis en ligne peuvent être le fait de délinquants qui agissent à des milliers de kilomètres de leurs jeunes victimes. Tout cela représente d’importants défis et exige une plus grande collaboration entre les forces de l’ordre des différents pays ayant des protocoles de compétence, des milieux sociaux et culturels, des attentes politiques et des niveaux d’aptitudes, d’expertise technique et de ressources variés.

    Établir qu’un crime relevant de l’exploitation ou de l’abus sexuel en ligne des enfants a été commis est souvent complexe. L’une des caractéristiques uniques de l’environnement en ligne est le fait qu’il n’est pas nécessaire qu’un contact physique se produise entre l’enfant et le délinquant pour qu’un délit soit commis. Les défis auxquels sont confrontés les services chargés de l’application des lois sont particulièrement délicats lorsque la législation ne fournit pas de définition précise de l’activité criminelle. Par exemple, pour affirmer qu’un délit a été commis est-il suffisant de montrer « l’intention » de leurrer l’enfant même si aucun contact physique réel n’a été établi ; quelle preuve de « l’intention » est nécessaire ; en quoi consiste une image pédopornographique ? Certains États, comme le Royaume-Uni et le Canada, criminalisent les images simulées ou réelles montrant des enfants participant à une activité sexuelle.

    Les enfants apparaissant sur des images abusives ou manipulés en vue d’être exploités sexuellement peuvent éprouver des sentiments de honte et de complicité. Par conséquent, beaucoup de victimes de délits commis sur Internet ne révèlent pas leurs expériences jusqu’à ce que les images ou les vidéos soient découvertes, le plus souvent par les services chargés de l’application des lois, dans le cadre d’une enquête. Et même dans ce cas, la situation reste complexe. Il arrive que l’enfant victime des abus continue à nier et refuse de reconnaître qu’il a été filmé même si les services chargés de l’application des lois sont en possession d’images de maltraitance le mettant en scène.

    La plupart des abus sexuels commis sur des enfants ne sont jamais dévoilés. Si l’abus a lieu en ligne, le secret est d’autant mieux gardé90. Certains enfants maltraités perçoivent les personnes avec lesquelles ils ont eu une relation en ligne comme leur petit-ami ou petite-amie et en deviennent émotionnellement dépendants. D’autres enfants soumis à la manipulation, se sentant isolés et démunis de soutien social, sont peu enclins à rapporter les faits aux services chargés de l’application des lois ou autres. Ajoutons à cela que bien des enfants ne se rendent pas compte qu’ils ont été les victimes d’un délit parce que des images innocentes d’enfants peuvent être transformées numériquement en matériel pornographique et être distribuées sur Internet à l’insu de la victime.

    La divulgation des abus achoppe sur plusieurs défis souvent sous-estimés et mal compris. Les enfants ont besoin que leurs sentiments et craintes soient reconnus pour faire face à cette expérience. Il n’est pas inhabituel que les enfants reviennent sur leurs déclarations de peur des répercussions qu’elles pourraient avoir sur eux-mêmes, leur famille ou d’autres personnes importantes dans leurs vies et sur l’auteur de l’abus. Les enfants sont non seulement affectés par l’abus lui-même, mais peuvent également être traumatisés par sa révélation ou ses conséquences.

    L’identification des enfants qui apparaissent sur les images abusives est d’autant plus délicate qu’il est capital de les protéger et de leur offrir un soutien psychosocial approprié. Les images peuvent circuler sur Internet pendant de nombreuses années ; par exemple, l’image d’une fillette de 5 ans peut toujours être en ligne 20 ans plus tard. Pour contribuer à l’identification des victimes, INTERPOL (Organisation internationale de police criminelle) et plusieurs services nationaux chargés de l’application des lois ont élaboré des bases de données d’images abusives d’enfants. Un logiciel sophistiqué d’analyse d’images aide la police à évaluer si une image d’enfant contenue, par exemple, dans une collection qui vient d’être saisie, est identique à d’autres déjà découvertes par les services chargés de l’application des lois et incluses dans une base de données d’images connues. Le logiciel offre une application capable d’identifier les enfants maltraités pendant de longues périodes et dont l’aspect physique a dû changer au fur et à mesure qu’ils grandissaient. La démarche est importante à la fois pour constituer un dossier complet contre un suspect et pour déterminer la durée et la nature des abus subis par un enfant tout en le soutenant dans son rétablissement.